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L’Ancienne Gare de Déportation de Bobigny ouverte au public

| Publié le 5 juin 2023
             

Depuis janvier dernier, l’Ancienne Gare de Déportation de Bobigny est ouverte au public. Entre juillet 1943 et aout 1944, ce mémorial a vu partir en déportation 22500 personnes, des hommes, des femmes et des enfants juifs, soit près à un tiers des déportés juifs depuis la France pendant la seconde guerre mondiale. Le lieu, extrêmement poignant, est le seul exemple en France de site ferroviaire utilisé pour la déportation des Juifs à être resté dans son état d’origine. Il sera officiellement inauguré le 18 juillet prochain, à l’occasion du 80e anniversaire du départ du premier convoi depuis l’ancienne gare.

Halle Marchandise © GClastres

Transmettre la mémoire

Directrice du site, Adèle Purlich accompagne souvent les visiteurs, ce qui permet de mieux appréhender l’ensemble du lieu, situé sur un vaste terrain alors gare de voyageurs et de marchandises et qui devint en 1943 le cœur de la déportation des Juifs de France organisée par l’Allemagne Nazie avec le soutien du gouvernement de Vichy. « Le premier paradoxe de ce site, nous explique Adèle, est qu’il existe peu de souvenirs de déportés. Peu ont survécu car ils passaient très peu de temps sur place. On compte toutefois quelques témoignages et quelques lettres. » Il y a donc ici une esthétique du vide, ce vaste espace qui représente aussi l’absence aide au travail de mémoire. En arrivant, nous sommes passés devant l’ancienne gare des voyageurs. Elle abritait des familles de cheminots, rares témoins, quand les déportés quant à eux partaient dans des wagons à bestiaux depuis la halle aux marchandises. Le début du processus de déshumanisation. Les rails sont encore visibles, le point Z marque leur croissement. Les convois étaient placés là. En 13 mois, 21 convois embarquèrent les Juifs dans des wagons plombés, principalement vers les camps d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.

Avant Bobigny, il y a eu la gare du Bourget, mais celle-ci était devenue trop visible, trop repérable. Il ne fallait pas attirer l’attention de l’opinion publique avec des convois réguliers embarquant jusqu’à 1000 personnes. Bobigny s’avéra plus discret, moins bombardée aussi, et enfin plus pratique, avec cette vaste étendue vide. En 2011, Guillaume Pepy, président de la SNCF, a reconnu l’implication de son entreprise pendant la Seconde Guerre Mondiale, ces trains et ces cheminots qui participèrent à la déportation. Les hommes et les femmes étaient transférés de Drancy en camion ou en bus. Les internés de Drancy sécurisaient les convois avant d’éviter les évasions. Face à la Halle aux Marchandises, toujours visible, les pavés d’origine de la cour, les rails, et une grille marquant la place d’un wagon, 50 à 80 déportés par wagon avec juste un bout de pain par personne et un seau d’eau pour faire leur besoin.

Adèle Purlich, Directrice du site © GClastres

Traces, témoignages et souvenir

Sur un mur de la Halle aux Marchandises, les lettres reproduites laissent une trace, un témoignage, un mot de l’inconnu, de l’horreur, de l’incompréhension. Les déportés ne savaient pas où ils allaient, on se rendait à « Pitchipoï », destination inconnue. Beaucoup mourraient pendant le trajet. Peu sont revenus. Parmi les lettres reproduites, il y a celle si émouvante d’Eva Golgevit. Elle évoque son fils, encore tout jeune, laissé derrière elle, une lettre que Jean Golgevit reçu trente ans plus tard. Il apprit que sa mère, arrêtée avec onze femmes résistantes juives toute membre d’une chorale, résista par le chant dans les camps. Elle réussit à revenir et mourut à 104 ans. Jean est aujourd’hui un témoin précieux pour le site.

Derrière la halle aux marchandises, 75 stèles sont alignées en mémoires des convois partis de France vers les camps de la mort. Elles portent le numéro du convoi, la date, le nombre de déportés, le camp d’arrivée, mais aussi le nombre de ceux qui furent gazés à l’arrivée. Beaucoup de rescapés de la Shoah et de famille viennent s’y recueillir et découvrir le lieu d’où sont partis leurs proches. Des hommes, des femmes, mais aussi des enfants, en témoigne le convoi 21 et ses 610 enfants dont 90% furent gazés. A la fin de la guerre, les convois s’intensifient, ils comptent de plus en plus de déportés. L’Allemagne nazie sent que la guerre est perdue mais l’objectif est toujours d’exterminer le maximum de juifs. Quelques convois partiront aussi de Lyon ou de Toulouse. Six millions de juifs moururent pendant cette guerre, dont 1,5 millions d’enfants.

Ancienne gare des voyageurs © GClastres

« Si l’écho de leur voix faiblit, nous périront ! »

Important lieu de transmission de la mémoire, l’Ancienne Gare de Déportation de Bobigny reçoit des publics très divers. Etudiants, familles, scolaires, anciens déportés. Elle est aussi un lieu où se déroule de nombreuses cérémonies du souvenir, une mémoire construite par les nombreuses associations de déportés qui se sont organisées par convoi. Sur l’ancienne gare des voyageurs, des plaques rendent hommage aux disparus. Sur un autre mur, ce poème de Paul Éluard : « Si l’écho de leur voix faiblit, nous périront ». Il faut continuer à transmettre cette histoire. Transmettre, aussi la base du travail d’Adèle Purlich : « On essaie de transmettre à la fois l’histoire du lieu, que les gens puissent ressortir avec des connaissances sur ce qui s’est passé ici mais aussi dans le contexte plus général de la seconde guerre mondiale, et puis avec un certain nombre de notions plus importantes. On travaille évidemment sur l’antisémitisme, sur le négationnisme, sur toutes les formes de complotisme, sur la xénophobie, qui sont évidemment des questions qui rentraient en compte dans la seconde guerre mondiale. » Visites guidées, conférences, expositions temporaires et cérémonies commémoratives sont ainsi organisées toute l’année. Enfin, le 18 juillet prochain, le lieu sera officiellement inauguré en présence d’Hélios Azoulay, un artiste qui joue de la musique écrite dans les camps de concentration. L’ensemble de l’évènement sera ouvert au public, l’occasion de découvrir un lieu de mémoire particulièrement émouvant.

————- Aller plus loin —————

L’Ancienne Gare de Déportation de Bobigny est ouverte au public du mercredi au dimanche de 9h30 à 12h30 et de 14h à 17h. La visite du site est gratuite (parcours historique et mémoriel).

www.garededeportation.bobigny.fr

Esplanade d’accueil et gare des voyageurs © GClastrs

L’Ancienne Gare de Déportation de Bobigny ouverte au public | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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