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Sur les hauteurs de Top Resa

| Publié le 21 septembre 2012
             

Hier, nous étions sur Top Resa et nous avons décidé de vous faire vivre un Top Resa pas comme les autres.

A ceux qui pensent que Top Resa n’est qu’une immense foire au voyage où réceptifs, tours opérateurs, hébergeurs, transporteurs, bureaux du tourisme, régions et pays du monde tentent d’attirer au mieux l’attention des professionnels du secteur et de nouer de nouveaux partenariats commerciaux… A ceux qui s’épuisent à slalomer entre des stands qui tentent de concentrer sur quelques mètres carrées ce qui est censé faire l’essence d’un pays, d’une région, ou du moins d’en donner la représentation la plus attendue et la plus réjouissante. A tous ceux qui ont frayé en ce jeudi 20 septembre des allées étonnamment désertées dans le sillage envoûtant de superbes hôtesses aguicheuses tentant de faire oublier une crise qui sévit pourtant bel et bien…. Et tant d’autres détours encore…

Hervé Barré et Alain Voisot

Alain Voisot & Hervé Barré – Forum Tourisme Culturel

On aimerait juste dire… mais pourquoi n’avoir pas pris un peu de hauteur ? Car juste au-dessus des marchands du temple et du marché du voyage s’est déroulé un forum utile et salvateur s’interrogeant sur le rôle des institutions pour un tourisme culturel de qualité, compétitif et durable puis sur la gestion touristique des sites culturels et naturels du patrimoine mondial. Animé par Hervé Barré, longtemps responsable du service Tourisme et Culture à l’Unesco et son compère Alain Voisot, journaliste et homme de terrain, les interventions, passionnantes et  concrètes, ont toutes visées à mettre la culture et le tourisme culturel au cœur des débats.

Sur la première table ronde, on a ainsi pu entendre le témoignage de Vincent Lagarre – Capitales européennes de la culture – expliquer comment une ville comme Lillecapitale européenne de la culture en 2004 – a réussi à rentabiliser l’évènement (1 € dépensé pour 8 € de recette) mais a aussi su le pérenniser en continuant à organiser des évènements culturels forts dans la ville (bientôt Bollywood). Frédéric Pierret, de l’OMT, a exposé de façon extrêmement claire et concise les cinq grandes missions de l’OMT quant au tourisme culturel. Il a notamment insisté sur toute l’importance des savoir-faire : « En Inde, pour restaurer certains sites d’exception, le problème n’est même plus l’argent mais le manque de savoir-faire ». Un peu plus tard, il est revenu sur cette question en citant l’exemple des Trésors Vivants du Japon, où comment certains maîtres et artisans japonais sont adoubés « Trésors Vivants » et transmettent ensuite leur compétences pratiques et techniques aux jeunes générations.

Forum Tourisme Culturel

Maria Gravari Barbas (IREST) et Penelope Denu (Institut Européen des Itinéraires Culturels

L’intervention de Guy Debonnet, représentant l’Unesco, a montré toute l’ambivalence du label et de l’inscription des sites à la liste du patrimoine mondial – entre apport certain de notoriété et donc de devises – mais – générant souvent des flux de visiteurs difficilement contrôlables avec les effets pervers que l’on peut imaginer sur les sites (dégradations, encombrements, perturbation des rythmes et identités locales, etc.). Pénélope Denu, du Conseil de l’Europe et de l’Institut Européens des Itinéraires Culturels, a montré comment ces itinéraires transnationaux aident en revanche à la mise en valeur des territoires et des identités culturelles locales. Label d’excellence qui peut être retiré à tout moment, ces itinéraires sont disponibles sur une plateforme collective centralisée par le Conseil de l’Europe.

Maria Gravari-Barbas, de l’IREST, dont de nombreux étudiants étaient présents dans la salle, a quant à elle souligné toute l’importance de la formation en précisant combien la notion de patrimoine s’était aujourd’hui élargie – faisant entre autres références aux régions industrielles qui se reconvertissent dans le tourisme – aussi au patrimoine immatériel. Elle a également attiré l’attention sur la gestion du patrimoine quand parfois, une mise en tourisme mal gérée peut aussi générer des conflits et tensions sociales. Enfin, Bénédicte Sefslagh de l’ICOMOS a clos cette première table ronde en rappelant les missions de cet organisme lié à l’Unesco. Elle a aussi mis l’accent sur l’importance d’un tourisme responsable rappelant l’influence souvent dramatique d’une gestion touristique brutale sur les ressources locales (eau, bois, etc.). Enfin, dans l’échange qui a suivi avec la salle, s’est posée la question du financement de la conservation du patrimoine culturel. Le public peut-il et doit-il tout financer ? Nous y reviendrons.

Forum Tourisme CulturelLe forum s’est poursuivi l’après-midi avec des exposés très concrets de Murat Gulyaz (Parc National de Gorëme au Cappadoce), Fabrice Laumont (Syndicat mixte du Parc Interrégional du Marais Poitevin), Isabelle Longuet (Mission Val de Loire patrimoine mondial) et Denis Verdier-Magneau (Château et Parc de Versailles). Chacun a exposé de façon détaillée et concrète les politiques culturelles mises en place pour préserver et mettre en valeur les sites concernés. Nous aurons l’occasion de détailler plus avant ces interventions riches et passionnantes mais dire que tous misent de plus en plus sur la diversification des offres et la mise en valeur de nouveaux sites pour entraîner, par capillarité, les visiteurs attirés par un site majeur à découvrir des aspects et sites plus méconnus et non moins passionnants. La culture pour garder, faire comprendre les lieux et ralentir la vitesse des arrivées et départ.

La journée s’est achevée par un échange avec Nahed Risk – directrice de l’Office national du tourisme en Egypte – sur la question du tourisme culturel comme vecteur de relance des économies des pays du Moyen-Orient. Nous reviendrons là aussi plus en détail sur ces échanges très instructifs mais je tiens à mettre en exergue une dernière réflexion, venue de la salle, un écho prémonitoire et reflétant avec tellement de justesse toute l’ambivalence du tourisme – en la personne d’Anne Vourc’h, Directrice des Grands Sites de France, s’étonnant dans un amphithéâtre injustement vide, que pour suivre ce forum, il n’y ait malheureusement aucun opérateur touristique : « Il faut que le secteur touristique comprenne qu’une grande part du capital est dans le patrimoine ». Et combien, à Voyageons-autrement.com (nous étions également les seuls journalistes présents – aucun professionnel du secteur n’avait fait le déplacement), nous sommes d’accord avec cette analyse, nous qui nous battons pour remettre le sens et le durable au cœur du tourisme.

l'envers du décorsHier, à Top Resa, il y avait donc les « vendeurs » au rez-de-chaussée, et les « penseurs » un étage au-dessus. Evidemment, le trait est volontairement grossi, les choses sont souvent plus complexes et les frontières moins étanches. Mais le jour où l’ensemble du patrimoine mondial sera tombé en miette sous l’effet du trop-plein de fréquentations, le jour où les sites naturels s’épuiseront d’avoir été trop piétinés, où tout ce qui fait la saveur du tourisme ne sera plus qu’un élément marchand dans un monde marchand… hé bien, il n’y aura peut être plus rien à vendre, et « le monde d’en bas » commencera peut être aussi à élever le regard pour comprendre pourquoi le ciel lui tombe sur la tête. Trop tard ? Rendez-vous l’an prochain – Hervé Barré et Alain Voisot vous proposent chaque année de réfléchir ensemble sur une autre façon d’appréhender le tourisme, et quelque part, aussi Top Resa.

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Sur les hauteurs de Top Resa | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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Une réponse à Sur les hauteurs de Top Resa

  1. Malraux a commenté:

    Merci de ce regard trop souvent évincé sur l’autel du consumérisme décervelant.

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