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La Grande Assemblée des Gardiens de Mère Nature…

Il y a un an exactement, nous vous racontions comment, à l’initiative du chef amazonien Raoni, plusieurs dizaines de représentants des peuples autochtones de la planète avaient décidé de se rassembler au Brésil pour fédérer leurs combats… En dépit des difficultés rencontrées et de l’opposition de multinationales ayant des intérêts en Amazonie, cette grande assemblée a finalement pu se tenir. Et le film réalisé par Gerd Peter Bruch qui suit et soutient cette cause depuis 25 ans sera bientôt achevé. Suite d’un feuilleton qui est loin d’être terminé et ne se poursuit, pour le moment, que grâce à la générosité des sympathisants français !!…

Voyageons Autrement : L’Assemblée historique des Gardiens de Mère Nature devait initialement se tenir dans un village Kayapo, dans l’état du Mato Groso, en juin 2017. Elle s’est finalement tenue en octobre et à Brasilia. Que s’est-il passé ?

Gerd-Peter Bruch : Depuis quelques années, le Brésil est en ébullition. La présidente Dilma Rousseff a été destituée et on voit mal ce qui pourrait empêcher l’ancien président Lula de se retrouver bientôt en prison. Certains pensent même que la démocratie est menacée. Par ailleurs, le peuple Kayapo qui devait nous recevoir est en effervescence de son côté. Pour la première dans l’histoire du pays, une compagnie minière a été condamnée à leur verser des millions d’euros. C’est une bonne chose, mais qui tombait pour nous au mauvais moment car les Kayapos nous alors ont complètement lâchés. De même que tous les autres partenaires du cacique Raoni ! Nous nous sommes retrouvés une petite poignée de Français, pour la plupart bénévoles, a devoir trouver une solution pour sauver l’événement. Le cacique Raoni était très déçu, mais que faire ?… Impossible pour nous, Planète Amazone, d’abandonner puisque c’est la confiance même de milliers de donateurs français qui avait rendu l’évènement possible.

VA : Vous avez donc trouvé une solution de rechange ?

G-PB : A Brasilia, la capitale, oui, dans un lieu quasi idéal, un mini village espacé et accueillant où chaque peuple autochtone a pu inviter les autres à ses cérémonies traditionnelles, et ça, ce fut vraiment magique.  A un moment, tout le monde se défilant et le chaos ne cessant de s’amplifier, nous nous sommes dit qu’il fallait prendre les choses en main, chercher et trancher, ce que nous avons fait. Et nous avons bien fait car en octobre donc, 200 personnes se sont réunies. Tous les chefs, initiateurs du mouvement : 120 à 130 Indigènes brésiliens plus 40 à 50 représentants des peuples indigènes du monde entier que nous avons pu faire venir grâce à la collecte de crowdfunding organisée en France. Chef ou représentant des tribus de Colombie, Mexique, Pérou, Chili, Equateur… mais aussi des Massaï, Béninois, Gabonais, un chef océanien, un représentant kanak de Nouvelle-Calédonie extraordinaire, la merveilleuse représentante Maori de Nouvelle-Zélande, des Dayak de Bornéo et même une représentante européenne du peuple Sami ! Sans oublier, bien sûr les représentants de plusieurs tribus nord-américaines dont le grand Navajo, opposé, à juste titre, à la compensation carbone qui fait des ravages dans certains endroits.

VA : Comment l’assemblée s’est-elle déroulé et sur quoi a-t-elle débouchée ?

G-PB : Il y a d’abord eu une journée de flottement. Certains arrivaient chargés de toute la violence qu’ils subissent dans leur pays, laquelle avait besoin de s’exprimer. Cela créait un climat de tension dont les participants se déchargeaient sur qui ?… Sur nous autres, pauvres organisateurs débordés. Ajoutez à cela un nombre conséquent d’espions et de semeurs de zizanie envoyés par certaines multinationales américaines et canadiennes pour torpiller le rassemblement, jusqu’aux gens de l’ambassade de France, enfin passons… ce ne fut vraiment pas Disneyland, je vous assure. Mais, comme disait Gandhi, à partir du moment où l’on dérange, c’est que les choses avancent. Ajoutez encore le fait que les Brésiliens, majoritaires, vivent un peu dans une bulle. On parle tous, en Europe ou ailleurs, pour désigner l’Amazonie, du « poumon de la planète », mais pas au Brésil ! Là-bas, c’est juste leur forêt dont ils ont le droit de faire ce qu’ils veulent, point. Telle est la réalité ! Au final, ces journées ont été consacrées à s’approprier le texte mis au point lors de la COP 21, à être tous en phase avec ce qu’il exprimait.

« C’est tout ?! » s’exclament certains, étonnés. Oui, mais c’est énorme ; l’ONU met des années pour parvenir au même résultat. Voyez la peine nécessaire pour établir un accord dans une famille, une entreprise, un pays, alors imaginez 200 représentants d’intérêt divergents !! Et puis, non, ce n’est pas tout non plus, quelque chose d’autre, bien plus important, s’est également produit au cours de ces journées…

VA : Quelque chose est né ?…

G-PB : Exactement. Passé cette journée de flottement et de récriminations, une semaine durant, cérémonies et débats ont alternés. Chaque peuple ayant à cœur de partager ses cérémonies traditionnelles avec les autres et ça, ce fut très fort. Des liens assurément indéfectibles se sont créés, des amitiés sont nées – j’ai plusieurs nouveaux vrais amis – l’Assemblée s’est incarnée, a commencé d’exister pour de vrai, dans la joie des cérémonies comme dans la peine des débats, très investis, très durs parfois aussi car, pour ne prendre qu’un exemple, quand vous dites : il faut avancer sur les droits de la nature, c’est essentiel ; aussitôt, cela dérive sur le sujet de la compensation carbone. Un peuple autochtone dispose d’un territoire encore vierge et on lui donne de l’argent pour qu’il le préserve. Le plus souvent, ce peuple utilise l’argent pour vivre, non pour mettre en place un système de protection quelconque. Alors que dès qu’il a été choisi, c’est comme si on l’avait désigné aux pilleurs de toutes sortes qui débarquent pour profiter de l’aubaine. En conséquence, le contrat n’ayant pas été rempli, la compensation carbone baisse et c’est le début de la discorde au sein de la communauté dont profite naturellement tous ceux qui veulent s’accaparer les ressources naturelles, etc. etc. Les choses étaient donc loin d’être simples et le résultat : ce texte dans lequel tous se reconnaissent , est vraiment à la hauteur. D’autant que l’aventure continue, un comité exécutif a été mis en place, formé par le noyau dur volontariste.

VA : Quel sera son rôle ?

 G-PB : Poursuivre l’action de l’Assemblée. Ses huit membres se réuniront une à deux fois par an (si on trouve les budgets !), en référant à 50 autres personnes. La déclaration de Cochabamba qui sert de base à notre texte a été présentée sous forme de pétition à l’ONU. Elle cumule aujourd’hui 800.000 signatures et lorsqu’elle atteindra le million, devra obligatoirement être étudiée. Le Comité va donc travailler sur les actions à associer à cette pétition ; une tournée mondiale en 2019 dans les grandes villes sensibles à notre projet par exemple, des partenariats avec des gouvernements locaux (régions, états, cantons) eux aussi sensibles à cette problématique.

Le comité exécutif se réunira en mai, en Suisse, malheureusement. Car, pour le moment, nous n’attendons plus rien de la France. Bien sûr, depuis qu’il est ministre, Nicolas Hulot (qui nous avais précieusement soutenus) a mille choses à faire, mais pas le temps a priori de dire à ses collaborateurs de simplement accuser réception de nos courriers. Nous n’existons plus, c’est le silence total. Nous ne sommes pas surpris outre-mesure, sachant combien ces personnes sont sollicitées ; simplement déçus. Lors de la COP 23, le ministre a bien permis à une représentante des peuples autochtones d’échanger une minute avec Monsieur Macron, lequel a promis de recevoir les peuples autochtones avant la fin de l’année. Mais notre pays n’a pas lui-même reconnu ses propres peuples autochtones, en Guyane ! Bref, maintenant qu’il s’agit de passer aux choses concrètes, et non plus de simplement de poser pour des photos aussi exotiques que médiatiques, le sujet dérange…

VA : Mais Planète amazone, qui avait levé 200.000 € auprès des Français a tenu sa promesse et organisé la Grande Assemblée. C’est important, ça, non ?

G-PB : c’est capital ! Vous n’imaginez pas le poids que c’était pour moi d’imaginer que nous ne puissions pas honorer cet engagement, nous, minuscule association totalisant 0 salarié et 1 stagiaire ! Il n’en était pas question, mais comme je l’ai dit, de nombreuses bonnes volontés et des bénévoles qui ont payé leur billet jusqu’au Brésil nous ont prêté main forte et ça aussi, c’est formidable. Et puis il y a le film, « Terra libre » qui a été retardé par tous ces événements mais qui est presque achevé. On est sorti de là complètement rincés, il faut dire, enchaînant ensuite sur la COP 23. Ce film documentaire raconte le combat des indigènes du Brésil depuis 25 ans (indigènes qui continuent de se faire assassiner en ce moment même lorsqu’ils s’opposent à certains intérêts financiers). Il sortira en français (voix de Pierre Richard devenu un allié indéfectible, toujours présent, d’une fidélité et d’un dévouement remarquables). En anglais (voix d’une vedette dont je ne puis encore donner le nom) et en brésilien. Mais là aussi, il ne faut pas trop se faire d’illusion. Le film sortira-t-il en salles ?… rien n’est moins sûr car si le film « Demain » avait fait naitre beaucoup d’espoir, ce fut juste une bouffée : tous les films du même genre sortis depuis, même celui d’Al Gore !, ont fait des bides. Alors, on se tourne vers les festivals et si, en mai, Terra Libre n’est pas pris à Cannes dans la sélection parallèle (la Quinzaine des Réalisateurs), on organisera une grande projection à Paris avec Pierre Richard et Bernard Lavilliers dont je tiens encore à souligner l’engagement exemplaire !

VA : Vous aviez organisé une première projection, à la Bellevilloise, à Paris, pour maintenir le lien avec tous les gens qui vous suivent, vous supportent… 

G-PB : Nous avions montré 30 minutes du film, oui. Car ce lien est capital. Sans toutes ces personnes qui nous soutiennent rien ne serait possible. Et je suis sincèrement désolé de n’avoir pas pu tenir l’engagement de départ : organiser l’Assemblée en juin, comme prédit. Mais c’était impossible. Sans les gens qui nous donnent des coups de mains, ce film de grande qualité n’aurait jamais vu le jour (c’est la première fois qu’un film sur les Indiens parlera à tout le monde, il est vraiment international avec l’intervention de chercheurs et climatologues de plusieurs pays). Réalisé avec des bouts de ficelle, il aurait coûté sinon plus de 300.000 €. Des dizaines de personnes ont travaillé dessus gratuitement. De même que des équipes ont filmé gratuitement la Grande Assemblée pour en tirer un film de 26 minutes. Personne n’imagine, je crois, combien Pl         anète Amazone est une petite structure. Aucun salarié, je l’ai dit, 3 personnes très actives et 4 autres qui aident ponctuellement, sans oublier Pierre et Bernard donc qui ne nous ont jamais lâchés, jamais ! Alors que nous avions reçus des dizaines de promesses de soutien dans la liesse médiatique de la COP 21 dont aucune, ensuite, ne s’est manifesté. Dans cette aventure certes difficile mais humainement si belle, tout repose une fois encore sur l’engagement des gens ordinaires. Alors merci à tous ; du fond du cœur : merci !

Gerd-Peter Bruch

 


La Grande Assemblée des Gardiens de Mère Nature… | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Jerome Bourgine
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Une réponse à La Grande Assemblée des Gardiens de Mère Nature…

  1. Gascdav a commenté:

    Super cet article! Boa sorte a todos eles com tudo meu coraçao. Valeu! (mato grosSo)

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